Histoires de la Horde

Kaminska | Prélude partie 2

Kaminska 

II. L’Empire

La surface défilait sous le ventre de la monture si vite qu’il était presque impossible de distinguer les détails de la croûte brûlante recouvrant la planète difforme Har Pahary 1. Elle se trouvait si proche de l’étoile que les rayonnements terribles brouillaient les sondes et le radar de l’eagle, cela faisant du lieu un terrain parfait pour les entraînements au pilotage en rase motte.
Les canyons, comme de vastes balafres laissées par un bretteur enragé, offraient parfois une ombre salutaire permettant au vaisseau de refroidir un peu. Tout l’art consistait à profiter des rayonnements pour accélérer la vélocité du vaisseau tout en calculant une trajectoire traversant des zones d’ombre afin que l’appareil ne s’écrase sur une surface où avoisinaient les 400°C. 

L’intercom crépita alors que la jeune pilote s’enfonçait dans une vaste gorge qui scarifiait le paysage gris et monotone de l’équateur. 

-”Tu vas encore perdre poulette. C’est pas une sale chienne fédérale qui va me battre, foi de pilote impériale. Et je te préviens Cyrène, c’est pas moi qui vais payer ton ardoise au bastringue !”

Loara, avec ce franc-parler que seule une aristocrate de haut rang pouvait se permettre, s’était presque immédiatement liée d’amitié avec la jeune officière fédérale. Dès leurs premiers jours à l’académie des Cadets, les deux jeunes filles avaient sympathisé sous l’oeil libidineux des garçons de l’école navale. Elles n’étaient pas nombreuses à représenter le beau sexe dans cette promotion et leur rapprochement avait tenu presque autant à une protection mutuelle qu’aux centres d’intérêt qu’elles partagent. Rapidement, celle qui se faisait appeler Cyrène avait mis au pas les chiots excités aux regards douteux et aux mains baladeuses. Plusieurs s’étaient brûlé les ailes, affichant des jours durant les larges ecchymoses gracieusement offerte par une experte du corps à corps que la Fédération avait formée pendant plus de deux ans sur Lukka. Bien entendu, quelques jeunes élus avaient animé de mémorables nuits pour le moins torrides pendant les rares permissions qu’offrait l’Académie Impériale des pilotes. 

-”Serre tes virages princesse” rétorqua Kaminska “sinon je serais la seule à accompagner les garçons ce soir pendant que ton corps d’aristo retournera en morceaux chez ta chère môman !”

Les deux eagle filaient comme des fusées et allaient, sans aucun doute, établir leur nouveau record de vitesse. Elles étaient douées, rapides et habiles. Les efforts fournis pendant de longs mois avaient aiguisé leurs réflexes de manière remarquable. Il ne faisait maintenant plus aucun doute qu’elles allaient être classées parmi les meilleures de leur promotion et décrocher haut la main la certification du Cercle des Pilotes. 

Kamiska vira soudainement de bord et fit faire à son eagle un tour complet sur lui-même rasant de si près les falaises qu’une trace de poussière jaillit du bout de ses ailes. La manoeuvre risquée et admirable la plaça dans les six heures du vaisseau de Loara. Alignant ses armes et calculant rapidement l’angle balistique comme elle l’avait fait tant de fois un fusil de sniper entre les mains, la jeune pilote ouvrit le feu. Les balles traçantes jaillirent des trois multicanons pour aller s’écraser sur la poupe de son adversaire. La peinture macula le blanc scintillant de l’eagle d’exercice de sa rivale.

-”Tu as le cul tout sale Loara. Corvée de nettoyage pour toi au retour à quai princesse !”
-”Salope ! Tu me vaudras ça, espèce de garce ! Comment une fille de ferme sans famille ni renom se permet-elle de souiller ma noble croupe ?”

Sans famille, ni renom.

Loara avait de grands talents, une habileté de pilotage hors pair et se trompait rarement, comme si son destin avait été écrit par toutes les fées de la Galaxie rassemblées en colloque pour l’occasion. Mais sur ce point, ce point précis, la jeune impériale se trompait lourdement, ignorant qui était vraiment cette amie qu’elle pensait de souche fédérale. 

Mais c’était le plan.
Un plan vaste et puissant dont les effluves menaient bien loin de ce système, là où nichent de noirs oiseaux récemment abandonnés par leur leader et leur porte-parole.



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