Histoires de la Horde

Le Zurara

L’expédition avait été éprouvante pour les hommes comme pour les vaisseaux. Formidine Rift était un désert d’étoiles, la tanière d’une bête de peines et de tragédies. L’Orichalque avait dû rebrousser chemin à maintes reprises afin d’arriver à destination. Depuis leur départ de la Base Alpha, après la rencontre avec les ingénieurs de Remlok Industries, le voyage avait été de pire en pire. Les 4000 années lumière auraient du prendre une poignée d’heures, il avait fallu de longues journées d’errances pour extirper la flotte embourbée dans une sorte de marais aussi sombre que froid.

Le Gouverneur avait tenu à piloter une bonne partie du voyage. Les ingénieurs en navigation ne lui parlaient presque plus, de peur de se faire éjecter par une écoutille au prochain changement de cap. Il avait été de mauvaise humeur jusqu’à l’arrivée dans le système Syreadiae JX-F c0 puis avait totalement changé d’attitude depuis qu’ils avaient retrouvé l’antique et imposant vaisseau de terraformation. Ce dernier orbitait depuis des décennies autour d’une planète aux teintes grises et vertes.

Le Zurara était en sommeil profond, mais ses grands bras circulaires continuaient leur rotation, inlassablement. Même les réacteurs émettaient encore une faible lumière bleuté, caractéristique d’une activité en veille qui n’attendait qu’un ordre de réactivation. Cependant, le reste du vaisseau était totalement inerte. Il n’y avait pas la moindre trace de vie et de mouvement, tout sentait la mort et la désolation.

 

« Le colosse s’est effondré,

Emportant dans ses bras les enfants meurtris,

Enfin, nous entendons leurs murmures, ils racontent le passé,

Pour que leurs yeux, leurs âmes trahies et condamnées, en paix fixent l’infini. »

 

Entendant la voix du leader de la flotte, le Gouverneur se retourna. Alvinia contemplait l’immense vaisseau situé à quelques centaines de mètres de la proue de l’Orichalque.

-« Ce qu’il s’est passé ici me terrifie », continua la leader de la flotte.

Elle venait sans doute de finir d’écouter les 8 rapports que l’Orichalque avait réussi à extirper de la carcasse renfermant un grand nombre de cadavres gelés. Ils avaient tenté de pénétrer dans le vaisseau, mais en dépit de tous les efforts des ingénieurs, rien n’avait été possible. Le mausolée resterait scellé jusqu’à ce que des équipes correctement équipées arrivent dans ce système situé à plus de 12.000 Années Lumière de SOL, autant dire que ça prendrait un certain temps.

Le Gouverneur annonça à Alvinia que tous les relevés possibles, photos, et mesures étaient maintenant terminés.

-« Nous pouvons partir, Madame. Nous ne pourrons rien faire de plus, en dehors d’un rapport montrant que ce vaisseau de terraformation semble bien être l’objet d’une machination qui pourrait mettre en défaut les équilibres économies et politiques des systèmes habités. »

-« Un équilibre ? Depuis que l’homme s’est mis debout, c’est au contraire le déséquilibre de son corps qui lui permet de mettre un pied devant l’autre. N’ayez aucune confiance dans les équilibres. La seule chose que je connaisse en ce monde qui conserve un équilibre parfait est la mort elle-même… » Son humeur était aussi sombre que le destin de ces pauvres diables figés dans leur carcasse. Elle restait figée, à regarder le Zurara qui s’éloignait d’eux poursuivant sa trajectoire.

Sans relever, le Gouverneur de la flotte se tourna vers la console et annonça le départ immédiat de la Flotte en direction de Formidine Rift.

 

L’anaconda tourna le dos à l’imposante structure de métal glacé qui continua son orbite comme s’il ne s’était rien passé. Des hommes, des femmes, bernés et abandonnés une fois encore, contemplaient leur destin en silence. La vie les avait quittés, mais l’écho de leurs voix, contant les pêchés de leurs pairs, se déplaçaient maintenant en direction des systèmes habités. Le réveil serait sans doute brutal pour les Intouchables….

 

 

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