Le souffle du passé
19 octobre 3303,
Base Klatt Enterprises, système ALNATH
Sur le sol de cette petite planète, brûlent par plus de 250°C, les restes d’une base attendant depuis des décennies le regard d’un être vivant. C’est un lieu d’effroi et de désolation où la main de l’homme brisa et tortura jusqu’à la mort « l’Étranger » au nom d’un intérêt supérieur. Loin de tous, ignorés et étouffés, les cris des bêtes affublés de tous les maux ont longtemps résonnés dans les criques brûlantes qui entourent la petite base scientifique. Là, devant l’Orichalque à peine posé sur cette troisième base découverte, s’était à maintes fois éteinte la vie venue d’un autre monde. Une science aussi implacable qu’ignoble avait testé un poison dont l’arrière goût de génocide pourrissait l’air de cette planète.
Il est simpliste de juger le passé, les pêchers des pères, mais juger de ses propres agissements demande plus de courage et de ténacité. C’est ainsi que pensait Alvinia de Messalina dont le regard balayait sans cesse le décor désolé sur lequel s’ouvrait la large baie de l’anaconda. Les grandes griffes d’aciers et de rouilles se découpaient sur l’espace parsemé d’étoiles. Les imposantes grues, ou autres bras robotiques, avaient soutenus, maintenus sans doute, des dizaines de Thargoids sur lesquels ont avait testé un poison mortel. Les collines alentours entendaient-elles encore crier ces êtres qui avaient un jour croisé le chemin des êtres humains ? Les cuves, suintantes de poison, se souvenaient-elles des heures de tortures et de peines infligées à leurs pieds ? Le souffle du passé, porteur d’une immondice marquée du sceau des grands et des puissants, parvenait jusqu’au visage de ceux qui venaient de découvrir ce lieu infernal.
Une fois encore la Horde de la Wing Atlantis avait participé aux recherches et ouvert un chemin qui deviendrait le sentier des peines pour les générations voulant bien écouter le triste son du passé.
Il fallait, toutes affaires cessantes, stopper ces atrocités. Il fallait combattre jusqu’à épuisement ces grandes puissances qui se permettaient tout, et à côté de qui le diable en personne passait pour un enfant de chœur. Si un jour le combat devenait nécessaire à la survie de l’espèce, alors, avec honneur et courage, il faudrait croiser le fer. Mais pas de cette manière. Pas en usant de ces méthodes dégoulinantes d’horreur et de poisse qui vous collent à la peau même si des décennies vous séparent des bourreaux vêtus de blouses blanches.
A des centaines d’années-lumière de ce lieu désolé, à nouveau au nom d’un intérêt supérieur ou de l’instinct du chasseur, des atrocités similaires se déroulaient. On assassinait au nom de la prévention et de la crainte sans prendre une seule seconde pour se demander si la voie de l’écoute et de l’observation existât. On tuait par centaine des vaisseaux venus d’un monde qui n’était peut-être pas si mauvais. Par crainte, par peur, par envie, parce qu’il est plus facile de détruire que de construire.
Les journaux de la base scientifique que venaient de récupérer les techniciens de la Horde, éxposaient avec froideur les horreurs commises. Le visage marqué d’Alvinia lisait tout, sans perdre un mot de ce qui venait de refaire surface. Sa tête tournait, cherchant à comprendre comment faire pour demander à tous ces tueurs, combattant en ce moment même les Thargoids, de faie acte de patience et de clémence. Les oiseaux noirs déferlaient et rares étaient ceux qui s’y opposaient. Pourtant, il le fallait. Au nom de ce qui s’était passé à Klatt Enterprises, il le fallait. Plus que tout, il fallait cesser le combat, renoncer au champ de ces sirènes baptisées AEGIS qui créaient des engins de mort comme s’ils fabriquaient de simples jouets.
Le souffle du passé ne faiblissait pas sur cette petite planètes du système Alnath. C’était une bonne chose car il était porteur d’un message. Tant que soufflait le bruit du fracas et des souffrances, il restait un espoir, celui de maintenir en vie une infime trace d’humanité dans la Galaxie.
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