Histoires de la Horde

21h45 était la sienne

24 novembre 3305, 

Una ex his erit tibi ultima

Quelque part dans la Galaxie

La tête de la jeune femme bascula doucement sur le côté, abattue par l’épuisement. Ses paupières masquèrent les yeux rougis par les larmes qui inondaient son visage au teint pâle. Mollement, glissa de sa main frêle la tablette où figuraient les derniers mots de cette femme qui fût sa mère. Ils n’étaient destinés qu’à la jeune fille, elle en porterait le fardeau.

 

Message crypté en provenance de Crevit, le 23/11/3303

« Kaminska, ma chérie, quand tu liras ces mots je ne serais peut-être plus de ce monde. Morte ou une prisonnière aux griffes d’effroyables tueurs que j’ai dirigés il y a ce qu’il me semble être des éons. Quoi qu’il advienne de moi, il faut maintenant que tu reprennes la poursuite notre oeuvre. Une vie n’est rien, notre projet est immortel et doit continuer quoi qu’il advienne. J’ai, à ce titre, plusieurs choses à te confier.  Tu auras été le secret le mieux gardé du Consilium et de la Horde. Ton père et moi avons tout fait, au prix d’incroyables efforts, pour que personne ne puisse même envisager ton existence, mais les choses vont maintenant changer, et avec elle ton rôle et ton avenir.

Me pardonneras-tu de ce que je vais, par ce choix difficile, t’imposer ? Je sais que tu en es capable. Tu es une de Messalina, et coule dans tes veines le souffle des tempêtes de Dalraida, chez nous à Cevit. Mais ce sang, ma chérie, n’est plus le même qu’aux premiers jours de ta vie. Je dois te le confier, maintenant que je pars, les injections que t’ont prodigués les médecins sur mon ordre sont uniques et riches de secrets qui feront de toi très prochainement une personne différente et unique dans le cadre de notre projet. De ce poison qui me ronge et me tue à feu lent, j’ai tiré une substance insoupçonnée que seule la chair de ma chair peut recevoir, et qui permettra de transcender l’humain. Si j’ai raison, ce sera une avancée unique sur le chemin de la génétique. Ce poison est à la fois ma force et ma condamnation. Les rares moments de lucidité me font voir l’ampleur du désastre qu’il provoque, des choses qu’il me fait croire. Je les vois, ces regards inquiets quand je parle à Dorian. Il m’aura fallu du temps pour comprendre que Déjanire et moi ne faisions qu’un, et qu’il se devait d’exister pour me permettre de mettre en place le plan, le projet, de déplier la toile aux infinis embranchements logiques. Un esprit seul s’y serait noyé, le mien a créé tant de choses pour ne pas sombrer dans la folie !

Kaminska, je te lègue ce que j’ai construit, mais aussi les drames que j’ai causés, les souffrances que j’ai imposées. C’est un piètre héritage, et pourtant il n’y en a pas de plus important. Je te souhaite tout ce qu’une mère peut souhaiter. Tout est à toi maintenant, poursuit l’oeuvre comme tu as commencé à le faire à mes côté ces dernières années.

Une dernière chose. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de ma dépouille, mais dans le cas où elle soit encore matière inerte et palpable dans cet univers, je voudrais revoir Crevit. J’aimerais reposer autour de Dalraida et regarder pour l’éternité le mont Messalina où soufflent les tempêtes qui ont façonné notre famille.

Adieu Kaminska. Vole loin, aussi loin que tes exceptionnelles capacités te le permettent.

 

Ta mère,

Alvinia de Messalina. »

Una ex his erit tibi ultima / L’une d’elles sera tienne.

21h45 était la sienne.



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